Deux interrogations, en première analyse sans relation entre elles, sont à l’origine de cette note:
- Pourquoi Google sur qui les soupçons de pratiques anticoncurrentielles portés par la Commission Européenne semblent croitre depuis 2010 n’est-il toujour:pas condamné ? Pourtant à l’aulne du nombre et de la diversité des procédures engagées depuis 2010 et des discours prononcés par la Commission Européenne, la réalité des pratiques semble peu contestable.
- Pourquoi parle-t-on périodiquement de fusionner le CSA et l’Arcep ou de mettre en place une régulation indépendante du numérique sans jamais énoncer les objectifs de politique publique poursuivis et tout en attaquant le manque de contrôle des Autorités administratives indépendantes ?
Cette note vise à essayer de comprendre, en s’appuyant sur les nombreux travaux et réflexions–essentiellement économiques- disponibles, les enjeux de ce qu’on a appelé un peu vite la régulation des plateformes ou la régulation du numérique. Quels sont les enjeux, que peut-on faire et que faudrait-il faire.
Les enjeux macroéconomiques sont simples, la productivité et la croissance.
Face à la faiblesse de la croissance et aux craintes de stagnation séculaire auxquelles sont confrontés les pays industrialisés, l’investissement dans le numérique et sa diffusion dans le tissu national apparaissent, en particulier en France, comme une des marges de manœuvre permettant de desserrer l’étau. La traduction microéconomique est a priori de s’attaquer aux rentes de situation qui empêchent le développement de la productivité, tout en préservant les caractéristiques de notre modèle économique et social (forme d’emploi, sécurité des personnes, blanchiment, pluralisme …).
Comment ?
D’abord, il convient de revenir à des visions sectorielles, par chaine de valeur, et ne pas raisonner seulement en terme de plateforme au sens technique, Uber est en particulier un acteur du transport, AirBnb de l’hôtellerie etc. …. Evidemment il y a de nouvelles chaines de valeur qui se mettent en place. Ensuite il faut avoir conscience qu’aucune action sérieuse n’est possible au plan national, les modèles économiques sont mondiaux. Le droit de la concurrence – qui justement répondrait bien à cette vision sectorielle- est en situation de faiblesse car il ne sait pas encore bien analyser les pratiques de ces nouvelles plateformes au regard des canons du droit de la concurrence. Donc la solution passe par les pays européens à minima voire davantage (ex : fiscalité).
L’agenda numérique européen est foisonnant et s’attaque à la modernisation de nombreux pans de la législation, tant sectorielle que transversale. Au niveau national aussi des évolutions législatives ouvrent des perspectives. Mais le processus est lent et long car ce sont de très nombreuses régulations /réglementations (communications électroniques, audiovisuel, copyright, données personnelles, sécurité publique, emploi, …..) qu’il convient d’adapter au XXIème siècle.
Parler de « régulation » au sens des Autorités Administratives Indépendantes est prématuré tout simplement parce que nous ne savons pas encore bien ce que nous allons « réguler » et comment. Or la définition ne peut être purement et simplement délégué. Elle est du ressort de la définition des politiques publiques. Entre le moment où la question –relativement simple- de la neutralité du net a été posée et celui où les régulateurs peuvent s’en emparer, il a fallu presque 10 ans de débat technique et politique en Europe. Les sujets comme ceux de la loyauté des plateformes ou des algorithmes n’ont pas atteint ce niveau de maturité. Mais on ne pas attendre … et ne rien faire …..en attendant.
La note propose une démarche politique visant à améliorer la compréhension du comportement des acteurs et à créer les conditions de rapports de force (européens ou à plusieurs pays) plus équilibrés. L’asymétrie d’information est gigantesque et les acteurs ont une capacité à tester et à évoluer infiniment plus rapide que les vieux monopoles du XXème siècle. Il faut se donner des moyens intellectuels et politiques pour compenser ces handicaps. Il faut travailler à trouver des remèdes opératoires à des pratiques qui peuvent être très dommageables à notre économie.