« 1 JEUNE 1 PME » : L'EMPLOI DES JEUNES POUR ACCELERER LA TRANSITION NUMERIQUE DES TPE-PME FRANCAISES
16/12/2020
Constat
Les 3,8 millions de TPE-PME françaises souffrent d’un sous-investissement dans le numérique et accusent un retard significatif en la matière par rapport à leurs homologues européennes. Dans le contexte de la crise sanitaire, la numérisation des TPE-PME constitue un objectif prioritaire pour la résilience du tissu économique français mais elle génère aussi le risque d’une transformation subie et qui ne s’inscrirait pas dans une perspective de long terme.
Enjeu
Face à cette situation, l’accent a été mis sur la plateformisation, avec le recours à des plateformes nationales et locales d’accès aux aides, de partage et de mise en valeur de bonnes pratiques. En parallèle, le plan de relance apporte une impulsion budgétaire utile. Toutefois, l’enjeu est moins celui des moyens financiers que des compétences à mobiliser et des ressources humaines à déployer au sein de ces entreprises pour enclencher une dynamique interne de transformation.
Propositions
L’instauration d’une dynamique nouvelle entre les filières du numérique de l’enseignement supérieur et les TPE-PME pourrait contribuer positivement à la transition numérique des entreprises, en même temps qu’à l’emploi des jeunes. Cette proposition pourrait s’inscrire dans le cadre du plan « 1 jeune 1 solution » lancé en juillet 2020, sous la bannière « 1 jeune 1 PME », et se traduire par l’instauration d’un dispositif de volontariat numérique en entreprise.
La crise sanitaire a mis en lumière la nécessité d’une stratégie ambitieuse de numérisation des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME)1. Le défi est de taille pour accompagner les 3,8 millions de TPE-PME, qui constituent 99 % des entreprises françaises et représentent près de la moitié des salariés, soit plus de 6 millions de salariés, et 43 % de la richesse nationale2. En complément des moyens, notamment financiers, mobilisés jusqu’ici, le principal enjeu réside aujourd’hui dans les compétences à développer et les ressources humaines à mobiliser au sein de ces entreprises pour enclencher une dynamique interne de transformation.
Les TPE-PME françaises au défi de la numérisation
Les TPE-PME françaises souffrent d’un sous-investissement notable dans le numérique et sont aujourd’hui en retard par rapport à leurs homologues européennes. Comme le souligne l’indice DESI de la Commission européenne3, les entreprises françaises occupent la 11ème place au sein de l’Union européenne en termes d’utilisation des outils numériques. La situation des TPE-PME françaises est plus préoccupante encore, avec seulement 15 % d’entre elles qui vendent en ligne contre 35 % en Irlande et 33 % au Danemark (soit la 18ème place au sein de l’Union européenne). S’agissant spécifiquement des TPE, elles étaient 20 % à ne pas avoir accès à internet en 2016 contre 7 % pour leurs homologues allemandes4.
Les obstacles à la numérisation des TPE-PME en France sont désormais bien identifiés5. Au-delà des facteurs connus tels que le manque de moyens financiers et le déficit de compétences, les finalités et les opportunités de cette transformation ne semblent pas encore assez tangibles pour les dirigeants de ces entreprises. Un rapport de Bpifrance de 20156 mettait ainsi en avant trois « lignes Maginot », des barrières conceptuelles qui peuvent laisser penser aux TPE-PME que la transition numérique ne les concerne pas : la relation de proximité développée avec les clients, la protection réglementaire dont elles ont bénéficié et la confiance dans la non-délocalisation de leur activité.
Dans le contexte de la crise sanitaire, la numérisation des TPE-PME constitue un objectif prioritaire pour la résilience du tissu économique français. Dans le même temps, ce contexte alimente la perception d’une transformation numérique subie, imposée par les circonstances, au risque de ne pas l’inscrire dans une vision stratégique et de long terme. Il reste qu’une entreprise numérisée est 26 % plus profitable qu’une autre structure comparable de son secteur7 et la croissance de son chiffre d’affaires est en moyenne six fois plus élevée8. La transition numérique représente donc un véritable enjeu de compétitivité. En outre, alors que les GAFAM9 redoublent d’efforts pour offrir aux TPE-PME françaises des services d’accompagnement à la numérisation10, l’enjeu est aussi celui de la souveraineté numérique de la nation avec le risque d’une vassalisation des entreprises françaises aux géants américains11.
Des moyens supplémentaires déployés dans le cadre du plan de relance
Pour répondre au défi de la numérisation des TPE-PME, l’accent a été mis jusqu’à aujourd’hui sur la plateformisation, c’est-à-dire sur la mobilisation d’aides et d’acteurs à travers des plateformes telles que France Num. Créée fin 2018 comme un « guichet unique » ayant vocation à mettre en réseau les acteurs et à diffuser les bonnes pratiques en matière de transition numérique, France Num se présente comme un « catalogue » d’offres publiques et privées. D’autres plateformes publiques se sont depuis ajoutées, telles que clique-mon-commerce.gouv.fr et aides-entreprises.fr, en plus des guichets numériques mis en place par les collectivités locales pour apporter leur aide. Dans ce contexte, la critique d’un « maquis »12 de l’offre d’accompagnement à la numérisation est compréhensible : il demeure difficile pour les dirigeants d’entreprises de s’orienter parmi ces dispositifs13.
En parallèle, les aides financières existantes ont été renforcées dans le cadre du plan de relance. Une enveloppe de 400 millions d’euros est prévue pour accélérer la transformation numérique des TPE-PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). C’est en moyenne un montant de 105 € qui est dédié à chacune des 3,8 millions de TPE-PME. Ces montants peuvent interroger, car ils ne représentent que 0,4 % du montant global du plan de relance et 6 % de l’enveloppe de 7 milliards d’euros spécifiquement allouée à la transition numérique. Ils sont par ailleurs bien inférieurs aux 3,7 Md€ mobilisés pour le soutien aux startups et aux technologies d’avenir, soit 4 % du plan de relance global et 53 % des fonds alloués à la transition numérique. Il faut néanmoins souligner que 3 Md€ de renforcement en fonds propres sont également prévus pour les TPE PME, qui bénéficieront par ailleurs d’autres mesures du plan de relance telles que la généralisation de la fibre optique à l’horizon 2025 et l’accent mis sur les formations aux métiers du numérique.
L’emploi des jeunes au service de la digitalisation des TPE-PME françaises
Il reste que, dans l’ensemble, le déclenchement de la numérisation des TPE-PME réside moins dans les moyens financiers qui seront mobilisés, qui sont conséquents, que dans la façon dont ce processus est à la fois expliqué et engagé concrètement au sein des entreprises. En effet, la transformation numérique va bien au-delà de la création d’un site internet et de l’ouverture d’un compte sur les réseaux sociaux : elle relève de changements plus structurels, qui doivent conduire à repenser le modèle économique et la stratégie d’ensemble, les processus de gestion ou encore l’organisation des sociétés. Le capital humain, c’est-à-dire la formation des employés, singulièrement en matière de numérique, constitue à cet égard un levier primordial. Or, ce capital est aujourd’hui encore insuffisamment valorisé dans les TPE-PME : à titre d’illustration, seules 16 % des PME de l’industrie emploient aujourd’hui des salariés formés au numérique, contre 85 % des entreprises de plus de 250 employés14.
De ce point de vue, le vivier de l’enseignement supérieur peut être une solution efficace pour transformer les TPE-PME françaises. En particulier, faciliter le recrutement par ces entreprises d’étudiants dans les filières du numérique, à l’université, dans les centres de formation et dans les écoles de commerce et d’ingénieurs, permettrait de mobiliser des ressources et du temps pour transformer en profondeur leur modèle économique et leur fonctionnement. Acculturés au numérique, ces étudiants seraient chargés de conduire l’accompagnement au changement nécessaire à la transformation des TPE-PME en révisant les processus internes, en accompagnant la montée en compétences des salariés et en mobilisant les aides publiques adéquates.
Cette proposition pourrait notamment s’inscrire dans le cadre du plan « 1 jeune 1 solution » lancé en juillet 2020, sous la bannière du programme « 1 jeune 1 PME ». En pratique, l’aide exceptionnelle accordée dans le cadre de ce plan pour l’emploi des jeunes en apprentissage pourrait être bonifiée pour les TPE-PME employant des jeunes issus des filières du numérique. Cette initiative pourrait être rendue encore plus visible en complétant le volontariat territorial en entreprise existant par un programme de volontariat numérique au sein d’une TPE ou d’une PME15. L’immersion dans le tissu économique français permettrait aussi de créer des vocations pour l’entrepreneuriat et participerait à la consolidation de la base économique sur le territoire national.
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Si la crise sanitaire a exposé les TPE-PME françaises à une phase de récession économique inégalée depuis 1929, elle peut aussi devenir un terreau pour préparer le monde de demain. Comme l’écrivait Paul Valéry, « le vent se lève, il faut tenter de vivre ! »16. Au lendemain de cette période trouble, il s’agira de trouver les ressorts pour vivre dans un monde à réinventer autour des lignes de force écologique et numérique. Qui de mieux placées que les nouvelles générations acculturées au digital pour aider les acteurs économiques nationaux dans cette nécessaire phase de transformation ?
1 Les très petites entreprises (TPE) emploient moins de 10 salariés et ont un chiffre d’affaires ou un total de bilan inférieur à 2 millions d’euros. Les petites et moyennes entreprises (PME) occupent moins de 250 personnes et ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros (source INSEE).
2 Annexe au projet de loi de finances pour 2021, 2020, « Effort financier de l’État en faveur des petites et moyennes entreprises ».
3 Commission européenne, 2020, « The Digital Economy and Society Index (DESI) ».
4 INSEE, 2018, « Les TIC dans les microentreprises en 2016 ».
5 Conseil national du numérique, 2016, rapport d’étape sur la numérisation des PME.
6 Bpifrance, 2015, « Le numérique déroutant ».
7 Cap Gemini et MIT Center for Digital Business, 2012, « The Digital Advantage: How digital leaders outperform their peers in every industry ».
8 Roland Berger et Cap Digital, 2014, « L’aventure numérique, une chance pour la France ».
9 Acronyme pour Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft.
10 Les Échos, novembre 2020, « Numérique : comment les géants de la tech évangélisent les PME françaises ».
11 Digital New Deal Foundation, 2019, « Briser le monopole des Big Tech : réguler pour libérer la multitude ».
12 Les Échos, avril 2020, « Covid-19 : les patrons de PME face au maquis des aides ».
13 Direction Générale du Trésor, 2020, « Numérisation des entreprises françaises ».
14 Direction générale des entreprises, 2018, « Avec la numérisation des entreprises manufacturières, l’industrie du futur prend forme ».
15 Sénat, 2019, « Accompagnement de la transition numérique des PME : comment la France peut-elle rattraper son retard ? ».
16 Paul Valéry, 1920, « Le Cimetière marin ».
ÉDITO
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